Est-ce suffisant de mettre ses conditions générales de vente au dos des factures ?
Est-ce suffisant de mettre les CGV au dos des factures ?
Les conditions générales de vente (CGV) sont un contrat. Comme tout contrat, elles doivent avoir fait l’objet d’une « rencontre des volontés », c’est à dire que les deux parties doivent les avoir acceptées, dans les mêmes termes. Par définition, le vendeur a accepté les CGV, puisque c’est lui qui les a rédigées. Elles lui sont donc opposables. Mais pour qu’elles soient opposables à l’acheteur, il faut que ce dernier les ait également acceptées.
Comment faire accepter les conditions générales de vente ?
Dans la pratique, bon nombre de commerçants n’ont pas intégré dans leurs processus de vente de faire signer par leurs clients leurs conditions générales de vente.
Lorsque la vente a lieu en ligne, la pratique du double clic et de la case à cocher rendue obligatoire apporte une solution simple. Mais dans les autres cas, notamment entre commerçants qui produisent et/ou livrent dans des délais courts et à fréquences élevées, le fait de faire signer les conditions générales de vente représente une contrainte non-négligeable.
C’est pourquoi la pratique s’est répandue de faire tout simplement figurer les CGV au dos des matrices des différents documents de l’entreprise (appelés papiers d’affaires), tels que bons de commandes, bons de livraison et factures. Mais la pratique consistant à apposer les conditions générales de vente au dos des papiers d’affaires est-elle valable ?
Communication des CGV : que dit la loi ?
Le Code du commerce impose au vendeur de communiquer ses CGV à l’acheteur sur demande, sous peine de sanctions. Mais communication ne signifie pas acceptation.
La législation européenne et la jurisprudence le rappellent de longue date : les conditions générales, pour être opposables, doivent avoir été communiquées sur un support durable à l’acheteur et acceptées par ce dernier avant le contrat de vente, c’est à dire avant l’achat ou au plus tard à la signature du bon de commande.
Cette solution a été consacrée à l’article 1119 du Code civil :
« Les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées ».
En toute logique, si le contrat (par exemple le bon de commande) ne fait aucun renvoi aux CGV, et que ces CGV ne figurent qu’au dos de la facture, il est évident que le client ne peut pas en avoir eu connaissance avant la vente puisque la facture intervient en aval de celle-ci. Il en est autrement si elles figurent au dos du bon de commande, à condition qu’elles soient lisibles.
Acceptation tacite des CGV : que dit la jurisprudence ?
Enfin, certains vendeurs pensent que les conditions générales de vente sont opposables lorsque l’acheteur est un client habituel à qui les CGV ont été remises au dos de précédentes factures.
La Cour de cassation, par un arrêt du 16 mars 2022 (n°20-22.269) a eu récemment l’occasion de rappeler sa position dans un litige commercial similaire.
La Cour de cassation refuse de rendre opposable les CGV au client pour les raisons suivantes :
- le contrat ne fait aucun renvoi aux conditions générales de vente ;
- le vendeur n’apporte pas la preuve de l’acceptation expresse des CGV par l’acheteur, ce qui exclut la possibilité d’une acceptation tacite « en dépit de relations d’affaires suivies » ;
- « ce d’autant que, figurant au dos des factures en caractères minuscules, elles sont illisibles ».
Comment rendre opposable les CGV ?
Dans tous les cas, il est important de veiller à ce que les conditions générales soient écrites de manière lisible, en caractères suffisamment gros. Bien souvent, les CGV comprimées sur une page au dos des papiers d’affaires, photocopiées ou mal imprimées, sont insuffisantes.
Ensuite, dans l’idéal, il est toujours préférable, avant la vente, de faire signer en deux exemplaires les conditions générales de vente.
De manière pratique, il est possible d’annexer les CGV, selon les cas, au bon de commande, aux conditions particulières ou au contrat de vente, de sorte que tant les conditions générales que le contrat seront signés concomitamment, l’important étant que les CGV ne soient pas signées après le contrat de vente.
Le contrat devra impérativement faire un renvoi aux conditions générales de vente. Toutefois, la jurisprudence étant fluctuante, un simple renvoi aux CGV affichées sur le site internet du vendeur est risqué et déconseillé.
Enfin, il est primordial (et obligatoire!) d’archiver les documents contractuels, et fortement recommandé de noter (même en cas de vente en ligne) quelle est la version des CGV en vigueur au moment de la vente, et de conserver l’ensemble des versions des CGV. En effet, en cas de modification des conditions générales, celles ultérieures à la vente ne seront pas applicables lors d’un litige.
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Maître Axel Poncet
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